Justice Réparatrice-Inceste
CSJR Montréal: tenez-vous loin!
Des RDV ( Rencontre Détenus-Victimes) qui pourraient être dangereuses pour des victimes d'inceste
Nous avons le témoignage d'une personne qui écrit:...mon expérience du CSJR est que la priorité est donnée aux bourreaux en utilisant les victimes comme objets...
Nous avons nous-même été sauvagement agressés au CSJR. Parce que nous dénonçons le tabou qui entoure l'inceste dans la société, on n'a pas hésité à censurer nos oeuvres, à contrevenir à la loi sur les droits d'auteur au cours d'une exposition faussement appelée Art Libérateur. Plus et incroyable. On a même tenté d'entacher publiquement notre réputation en nous traitant de malades. Le CSJR est un lieu dangereux pour toute victime d'inceste qui parle. On n'y aime que des victimes dinceste obéissantes et silencieuses qui ont "pardonné" ou sont prêtes à le faire. Ce ne sera jamais notre cas. Nous avons plutôt choisi d'éliminer nos agresseurs et leurs complices de nos vies. Nous sommes bien et ne portons pas les problèmes de nos agresseurs ou de leurs complices. Attendre que des agresseurs changent est une stratégie de vie trop souffrante pour nous. Nous en avons fini de cela. Nous souhaitons que le CSJR cesse ses services aux victimes d'inceste car leurs officiers sont manifestement tout à fait incompétents sur ce sujet. Ce sont des gens sous le contrôle du tabou de l'inceste et qui tentent de contrôler les autres par le même biais. Ouf!
Devant ces témoignages troublants, nous avions voulu, dans un dernier spasme de collaboration, contribuer à la réflexion sur ces rencontres RDV. Pour vous situer, sachez que ces Rencontres Détenus-Victimes - RDV- sont animées par des animateurs et qu'une personne Représentant de la Communauté - RDC- accompagne les participants afin de témoigner que la communauté aussi est blessée par le crime. Oh! la la!
Nous avons adressé au président du CSJR qui agit comme RDC dans des RDV regroupant victimes et offenseurs d' inceste, un long texte, savant et fouillé, qui témoigne de notre expérience comme personne survivante à la violence et à l'inceste. Nous avons fait de même auprès d'une des animatrices qui serait spécialiste d'inceste. Pour vous dire: nous n'avons même pas reçu un accusé de réception. Ni de l'un, ni de l'autre. Ces messieurs dames savent de "cossé que cé" l'inceste. Ils n'ont pas besoin du témoignage de victimes intelligentes, voyez-vous. Ils se suffisent à eux-mêmes. C'est un bien mauvais signe d'être ainsi suffisants devant le crime qui est sans doute le plus complexe et le moins compris qui soit.
Bref, nous vous incitons à vous tenir loin de ces rencontres qui peuvent, à notre point de vue, être très dangereuses pour vous. Le but du CSJR, à notre expérience et selon des témoignages entendus, est de vous faire devenir une victime silencieuse une fois que vous vous êtes livrée en racontant votre histoire.
Voici notre texte:
Préalable:
Comme le terme d'inceste a une signification
particulière (union illicite entre adultes consanguins ou
apparentés) et qu'il entretien de la confusion par rapport à la
situation criminelle dont les caractéristiques spécifiques
intergénérationnelles ( adulte-enfant) nous intéressent, nous
avons choisi, en accord avec le génie de notre langue, d'utiliser le
terme « incestuat » pour désigner l'acte sexuel de la
part d'un adulte parent sur un enfant ( on retrouve la désinence at
dans des mots comme résultat ou assassinat); les
termes « incestueur-incestueuse » pour désigner la
personne qui commet cette action; les termes « incestué-incestuée »
pour désigner l'enfant ou l'enfante qui la subit. Dans le présent
texte, il arrive souvent qu'on utilise le masculin pour parler des
deux genres. Ne nous en tenez pas trop rigueur, svp.
NOTRE
RÉFLEXION SUR LE RÔLE DU RDC DANS LES RDV 1
Ce
rôle doit, à notre avis, se concevoir aux dimensions du crime en
question. Mais quelles sont ces dimensions?
1.
LA DIMENSION GÉNÉRALE ET LES DIMENSIONS PROPRES AU CRIME DE
L'INCESTUAT
La
dimension
générale
ici est celle que comporte tout crime. Une victime a été soumise à
une agression contre son propre gré ou son propre intérêt et elle
lui laisse des traces de crainte, de ressentiment, de culpabilité,
de honte, de dissociation, etc. dans sa psyché et dans son
comportement. Cette dimension prévaut aussi pour le crime
d'incestuat. Le crime d'incestuat, s'il se distingue des autres
crimes par plus d'un aspect, participe à cette dimension générale.
La
première
dimension propre à l'incestuat
- une de celles qui ne se retrouve dans aucun autre crime - est
constituée des conséquences particulières de ce crime sur la
constitution de l'identité, de la vie affective, émotive,
intellectuelle et de la capacité relationnelle de la victime.
Voyons voir!
Le
crime est commis sur un être en développement. Le crime est commis
par des personnes dont l'enfant dépend totalement et dans lesquelles
il a dû placer une totale confiance par nécessité absolue. Le
crime porte atteinte à son intimité, à son identité, à sa
sexualité future, à tout le futur de son être en construction.
On
comprend assez facilement que toute la personnalité de la victime
sera atteinte dans ces circonstances. Cette première dimension
spécifique est aujourd'hui assez facile à concevoir et à
accueillir, le droit ayant reconnu la personne de l'enfant, la
psychologie fournissant déjà quelques lumières sur les
conséquences multiples et multiformes de l'incestuat commis sur lui.
(
Maladies de l'identité, de la personnalité, de la confiance en soi,
du rapport au corps, du rapport aux autres, de la sexualité :
phobies, cauchemars, sentiment d'aliénation à l'égard de son
corps, problèmes gastro-intestinaux et génitaux, problèmes reliés
à la nudité et aux vêtements, automutilation, toxicomanies,
boulimie, anorexie, tendances suicidaires, perfectionnisme, problèmes
de contrôle, problèmes de confiance en soi, problèmes de gestion
de la colère, problèmes de gérer ses limites, incapacité à dire
non, peur d'être envahi, culpabilité envahissante, sentiments de
honte, sentiment fréquent d'éclatement de l'unité intérieure,
écrasement par le secret, problèmes de mémoire, souvenirs
obnubilés, troubles divers de la sexualité, désir de changer de
nom, sentiment nécessaire d'invisibilité sociale, personnalité
multiple, incapacité de vivre avec son histoire, troubles
relationnels, incapacité d'accepter les moments de bonheur... une
liste considérable doit ici être ajoutée.)
Notons
ici que, au-delà de la dimension personnelle, ce crime présente une
dimension sociale particulière et unique en son genre. En effet, le
crime est commis par l'incestueur-l'incestueuse dans l'unité sociale
de base, la famille; il est commis à l'encontre de l'existence de
cette unité familiale; et il est commis sous le couvert du tabou
social. Ce dont nous allons parler maintenant puisqu'il ne saurait en
être dissocié.
La
seconde
dimension propre à
l'incestuat - une autre de celles qui ne se retrouve dans aucun autre
crime - est plus difficile à concevoir et à accueillir. Il s'agit
de la dimension sociale du crime de l'incestuat. Cette dimension
sociale est caractérisée par le tabou, c'est-à-dire l'interdit
fait à tous les membres de la société de parler de ce sujet. Cet
interdit conditionne tous les aspects du crime, des conditions
favorables pour qu'il soit commis jusqu'à la multiplication des
conséquences nocives sur la victime. Le sujet est tabou, tabou à
triple tour et de l'évoquer ici est déjà une transgression.
N .
B .
Cela dit, nous ne voulons pas minimiser le fait que, dans la société,
toute victime de crime est entachée du crime qu'elle subit. On est
toujours mieux d'avoir été victime d'un « Act of God »
que d'un crime humain. Certes. L'orpheline haïtienne du séisme
risque même d'être enlevée pour être éduquée par de riches
parents d'un pays du nord. Nous gardons précieusement en mémoire le
témoignage de Lorraine Berzin qui fait état de cette souffrance
d'avoir été entachée par le crime de prise d'otage dont elle a été
victime. Toutefois, le tabou particulier qui entoure l'incestuat
amplifie cette dimension et crée, nommément, une situation
particulière d'ostracisme pour la victime qui irait jusqu'à
dénoncer le tabou. Heureusement, Lorraine Berzins et tant d'autres
qui témoignent, sont des héros et des héroïnes et ne subissent
pas l'ostracisme propre aux victimes de l'incestuat lorsqu'elles
osent témoigner du tabou entourant ce crime.
2.
COMMENT ABORDER LA DIMENSION SOCIALE DU CRIME DE L'INCESTUAT POUR UN
RDC
Tout
RDC se demande sans doute au préalable comment il réagit au crime
dont il sera question dans les RDV auxquelles il participe. Dans le
cas de l'incestuat, cette question est cruciale. Un RDC doit se
demander comment il vit lui-même le tabou, cet interdit de parler de
l'incestuat; sa réponse est cruciale pour la qualité de l'écoute
et de l'accueil qu'il pourra offrir aux victimes. (Incidemment,
nous croyons que le tabou, étant par trop intégré et invisible à
la conscience, nécessite des outils spécifiques et un
accompagnement spécialisé pour être débusqué et neutralisé. Au
CSJR, le RDC pourrait éventuellement être formé et accompagné en
cette matière pour se préparer à son rôle.)
De
plus, il doit nommément comprendre que la victime ne sait peut-être
pas bien en parler et n'a pu en parler et être écoutée que dans
des circonstances sociales extrêmement rares ( peut-être, mais très
rarement, à un membre de sa famille; peut-être, mais pas toujours,
dans le cabinet thérapeutique; peut-être, mais pas toujours, dans
une des rares associations de victimes). Le RDC sera peut-être
devant une victime qui porte une « seconde blessure »
parfois pire que la première : elle a voulu en parler et on lui
a imposé de se taire. La victime porte du refoulé social lié à
l'existence d'un tabou propre à l'incestuat; et cette particularité
de victime mérite d'être considérée par le RDC.
S'il
cherche du soutien à sa démarche de compréhension du tabou, le RDC
se retrouvera devant peu de moyens. Il sera probablement dans une
terrible solitude lorsqu'il cherche à décoder tant la partie du
tabou qui l'habite que la portion inimaginable qui habite l'ensemble
social. En effet, comme le sujet est tabou, on ne trouve
pratiquement pas d'écrits explorant systématiquement ce phénomène
du « tabou de l'inceste » et des conséquences qu'il a
sur la prévalence du crime, la vie émotive et affective des
victimes, sur la vie sociale en général, sur le sentiment de
dignité des victimes, sur leur sentiment d'avoir ou pas le droit
d'exister et de multiples autres aspects. Les sciences humaines sont
elles-mêmes soumises au tabou.
Voilà
donc nos questions. Comment le RDC arrive-t-il à se dédoubler de
« son propre tabou » et à se faire une idée de
cette dimension pratiquement inconcevable dans notre société?
Comment alors, peut-il se préparer à écouter ce récit des
blessures toutes accomplies dans ce contexte du tabou, comment
peut-il concevoir que ces blessures occasionnées par le tabou sont
parfois plus nocives sur la vie psychique de la victime que
l'incestuat lui-même?
Le
RDC aura intérêt, pensons-nous, à comprendre que le tabou est en
cause dans une « première blessure », une « deuxième
blessure », une « troisième », une « xième »
et qu'il contribue, par sa force sociale extrême, au poids des
souffrances complexes de la victime. Ces blessures, par leur
caractère social, sont éminemment dans sa zone d'écoute et
d'influence.
Nous
aborderons, brièvement et plus loin dans notre texte, chacune de ces
blessures. Mais, au préalable, disons quelques mots sur la
perception de la gravité de l'incestuat qu'aurait intérêt
d'adopter un RDC et, ensuite, pour éclairer le contexte, quelques
mots sur la confusion qui règne dans les termes utilisés.
3.
LA PERCEPTION DU RDC DE LA GRAVITÉ DU CRIME
Dans
la tradition légale, la gravité du crime sera établie par la
nature des gestes posés. Un vol plus gros est plus grave. Un
assassinat en pièces détachées est plus grave qu'un assassinat par
balle. Etc..
Pour
la victime de l'incestuat, toute action à son endroit qui vise à
relativiser la gravité du crime en invoquant la nature des gestes
posés risque facilement de constituer une offense supplémentaire.
Le RDC qui veut entendre la victime se doit de partager ce point de
vue.
Ajoutons
qu'il serait inacceptable et fort blessant qu'on cherche chez la
victime d'incestuat une quelconque complicité avec l'offenseur. Un
enfant n'a aucun moyen adulte de se protéger d'un adulte parent. Un
enfant n'a pas de sexualité adulte ni de sexualité génitale
adulte. Il doit toujours être considéré comme totalement victime
dans quelque rapport sexuel que ce soit ou un adulte est partie
prenante.
Ajoutons :
l'âge de la victime, la durée de l'asservissement, le niveau de
« perversité » des gestes, leur violence constituent des
éléments importants qui doivent être absolument entendus et reçus
à leur face même, mais qui ne sauraient être comparés d'une
victime à l'autre d'aucune façon. Les victimes doivent être
incitées aussi à ne pas se comparer.
Dans
le cadre de RDV, la gravité s'établit par la perception qu'a la
victime de ces actes commis à son endroit et des conséquences de
ces actes sur sa personnalité, son développement, sa psyché, sa
vie émotive, affective, intellectuelle, sa capacité relationnelle,
etc.. Le RDC pourrait adopter une première règle d'or, celle
d'attribuer la primauté à la perception des victimes plutôt qu'à
ce qu'en dit, le sens commun, le droit ou la psychologie qui ont
toujours été et sont encore des points de vue bien partiels souvent
éloignés de la réalité des victimes. Il se mettra, alors, en
posture pour comprendre ce crime si difficilement compréhensible,
mais cette fois, de l'intérieur. Voilà une meilleure position pour
l'écoute.
Ajoutons.
Nous l'enjoignons à élargir encore sa perception de la gravité de
ce que la victime dira, car nombre de victimes ne peuvent en dire
suffisamment la réalité. La psychologie a maintenant bien analysé
que lors d'un choc de cette nature, le phénomène
d'amnésie peut gommer
tout ou partie de la réalité comme un mécanisme essentiel de
protection et de survie. Il peut aussi survenir fréquemment une
sorte de mémoire en boucle qui enferme la victime dans une seule
partie des événements réels.
Accueillir
davantage que ce qui est dit, devrait, pour un RDC, accompagner la
règle d'or précédente.
4.
LA SIGNIFICATION CONFONDANTE DES TERMES UTILISÉS
Pour
l'intérêt du RDC, précisons, dans la mesure du possible, les
termes utilisés autour de ce crime et leur signification respective.
Le
terme « inceste » signifie l'union illicite ou illégale
entre deux adultes consanguins ou apparentés. L'anthropologie
indique que l'interdiction de l'inceste est universelle.
Certes,
cette interdiction ne s'adressait ni aux dieux, ni aux pharaons, ni
aux rois qui, selon les époques et les cultures, ont aimé pratiquer
l' « inceste ».
L'interdiction
explicite de l' « inceste » ne vaut pas non plus
pour les membres adultes d'une famille à l'égard des enfants. La
pratique de cette forme de rapports sexuels est probablement
universelle et elle ne fait pas l'objet d'un interdit explicite. Elle
est davantage modelée par le déni et le non-dit et ne connaît
qu'une association diffuse avec l' « inceste ».
(Cherchez
dans la bible, vous ne trouverez pas d'interdit fait au parent à
l'égard de leurs enfants; Freud, respectant sa tradition
judéo-chrétienne, attribue aux enfants le désir libidineux sur
leurs parents; l'inverse – le désir de parents sur leurs enfants -
n'est pas objet de son étude ni pour ce père fondateur de la
psychologie, ni pour la psychologie qui s'ensuit jusqu'à nos jours.
Seule la psychologie clinique a un peu évolué en acceptant de
considérer les clients comme de vraies victimes «de stress
post-traumatiques », mais la psychologie fondamentale, selon
notre recherche, n'a encore eu rien à dire sur la pulsion
particulière des incestueurs-incestueuses. La psychologie vit,
manifestement, sous le tabou universel.)
Bref,
le terme inceste ne dit explicitement rien sur le viol d'enfants au
sein des familles ni sur la complicité sociale du tabou qui est
nécessaire à sa commission.
Peut-être
pouvons-nous ajouter une remarque qui montre la tendance générale à
semer de la confusion sur la désignation de ce crime. À notre
époque, on trouvera ce crime particulier caché sous le terme d'abus
sexuel;
on ajoutera, à l'occasion, abus
sexuel d'enfant;
des victimes voulant préciser ces termes ajoutent parfois abus
sexuel par
viol
d'enfant.
Parfois le terme d'abus est remplacé par agression
celui-ci manifestant davantage que le sujet du crime n'était pas
consentant ou n'avait pas l'âge du consentement. Dans tous les cas,
le problème du tabou du crime est maintenu, car la périphrase
oublie de dire qu'il est commis au sein de la famille (lieu essentiel
au devenir d'un enfant), que le viol passe souvent par les moyens de
séduction utilisés par les adultes entre eux et que ce crime est
sévèrement soumis à l'interdit d'en parler. Le public ne sait pas
trop de quoi il est question dans l'euphémisme « agression
sexuelle par viol d'enfant »
et le crime se retrouve mélangé dans la vaste panoplie de la
pédophilie, du viol ou de l'abus sexuel général.
Comme
nous l'avons dit, nous avons choisi les termes incestuat,
incestueur-incestueuse et incestuée-incestuée pour ne pas augmenter
la confusion existante.
Nous
croyons qu'un RDC trouvera de l'intérêt à réfléchir à ces
questions du langage entourant le crime d'incestuat. Nous sommes
d'avis que si on n'éclaire pas la confusion dans les termes, le
tabou y gagne et on s'en fait complice.
5.
LA NATURE SOCIALE DE L'INCESTUAT, LA STRUCTURE DE LA BLESSURE ET DU
TABOU QUI L'ACCOMPAGNE EN SIX ÉTAPES
Le
RDC, dans toute la mesure du possible, trouvera intérêt d'affiner
sa compréhension de l'incestuat et des blessures et du tabou qui
l'accompagnent.
Pour
saisir le côté social de l'incestuat, nous croyons utile de créer
un parallèle avec la la
situation du soldat qui revient de la guerre, la psyché complètement
chamboulée d'avoir été obligé de tuer et qui en demeure atteint
sans rémission. Le « crime » qui a été commis sur lui
( et évidemment, dans ce cas, le « crime » n'est pas
encore spécifiquement objet d'une loi) est de lui faire commettre un
« crime » qu'il porte seul dans sa psyché et dont il ne
peut parler à quiconque, ni à l'État, ni à son voisin, ni à sa
famille puisque tous sont de bons patriotes qui soutiennent la
guerre. Le soldat doit vivre mort dans sa psyché et avec sa médaille
au plastron. Tel est son sort. Ou...s'il « guérit », il
peut être fier, ayant intégré, avec médication ou pas, la demande
sociale de se taire sur l'horreur. Autrement dit, il ne se trouvera
plus jamais lui-même dans ce contexte social. Pour exister vraiment,
il faudrait qu'il déconstruise, avec la société, la vision que la
société a d'elle-même et de lui comme soldat-tueur.
Il
en va de même pour l'incestuat. Pour le comprendre, il faut
déconstruire le traitement que la société réserve à ce crime.
Essayons
de comprendre le contenu « social » particulier de ce
crime.
Première
étape ou première blessure
L'incetueur-l'incestueuse
commet son crime sous le couvert du tabou social. Cet aspect devrait
intéresser le RDC au premier plan; on ne peut le mettre de côté.
Comme
c'est un sujet tabou, l'incestueur-incestueuse imagine qu'on ne
pourra pas l'accuser de quelque chose dont on ne peut parler, quelque
chose de pratiquement inexistant puisqu'on n'en parle pas?
Consciemment ou pas, il sait cela. Puis, comme il est l'adulte, il
sait qu'il a les moyens de museler l'enfant. (Infans en latin
signifiant celui qui ne parle pas.) Les arguments vont de la menace
de mort, la menace que l'enfant ne sera pas cru, la menace de faire
éclater la famille s'il parle, etc. Et puis souvent l'agresseur fait
croire que c'est dans sa responsabilité d'éduquer sexuellement
l'enfant. C'est pour son bien!
Etc.
Nous ne voulons pas décrire ici tous les artifices utilisés pas les
offenseurs. Ils sont innombrables et pénibles. Nous n'avons pas pour
aujourd'hui la force d'y entrer.
Nous
voulons, cependant, mettre en évidence la destruction personnelle,
la tentative de meurtre psychique et également
les
éléments sociaux qui caractérisent le crime. Premièrement, le
tabou social est présent dès la commission de l'incestuat.
Deuxièmement, constatons la destruction de l'unité de base de la
société, la famille, destruction qui se fait ici par elle-même,
c'est-à-dire par celles et ceux qui ont mission d'en porter la
mission.
Ces
dimensions sociales interpellent le RDC au titre de représentant de
la communauté.
Deuxième
étape ou deuxième blessure
Un
jour ou l'autre, - habituellement
l'autre jour qui suit, car cela peut prendre des années, des
décennies avant que l’événement se produise - la victime tente
de se confier à un membre de sa famille. Elle en a assez de vivre
seule avec ce traumatisme qui l'habite et la dévoie, voire la
dévore.
Elle
est habituellement mal reçue; c'est impossible, tu as tout imaginé
cela, tu es méchante, tu veux juste brasser de la merde, tu cherches
la déstructuration de la famille, tu as besoin d'être soignée...
sont des termes entendus bien souvent; la victime est affublée de
tous les maux.
C'est
le deuxième moment où se manifeste le tabou social, élément
central dans la préoccupation du RDC. Ici, le porteur du tabou est
un membre de la famille, un complice tacite ou aveugle de la première
heure.
La
victime qui se confie est ici victime d'une deuxième blessure. Cette
blessure est appelée par Boris Cyrulnick la
deuxième blessure qui est parfois pire que la première.
Pourquoi pire que la première? La première déstructure chez la
victime ses moyens d'appartenir à l'humanité – la capacité
relationnelle est compromise par l'attentat d'incestuat - , la
deuxième vient de la communauté même qui confirme que
l'appartenance à l'humanité lui est refusée parce qu'elle
« prétend » avoir été incestuée. On ne peut exister
sans appartenance et cette appartenance est refusée. Ce rejet
enferme la victime en elle-même, ce qui conduit inexorablement à
l'auto-destruction. Elle peut aller jusqu'à douter que l'incestuat
ait eu lieu et se croire productrice de ses propres fantômes. Pire
souvent que la première blessure, car aux abords de trouver de
l'oxygène on est re-jeté, re-noyé, re-tué avec une nouvelle
détermination plus ferme de la part de la communauté, de
l'humanité. Une deuxième blessure enfermant la première avec un
double tour.
Nous
sommes à plein dans le champ de responsabilité et d'influence du
RDC.
Troisième
étape ou troisième blessure
Un
jour ou l'autre plus tard, - habituellement l'autre jour qui suit,
car cela peut prendre des mois, des années, des décennies avant que
l’événement se reproduise - la victime tente de se confier à
nouveau, cette fois-ci à un ami.
Les
arguments utilisés par l'ami pour inciter la victime au silence
seront peut-être moins violents que ceux du membre de la famille,
mais viseront également à ce que la victime n'exagère pas les
événements, passe à autre chose, lise un livre de psycho-pop,
reçoive des soins psychologiques, arrête de se comporter en
victime, oublie le passé pour se tourner vers l'avenir, pardonne et
tourne la page, etc..
Sans
doute vivons-nous dans une culture violente qui a tendance à
reprocher aux victimes de l'être, de se comporter comme victime
plutôt que comme des personnes résilientes, des gagneurs, des
battants, des personnes tournées vers l'avenir, des personnes
capables d'être heureuses et qui profitent de la vie. Sous cet
angle, certes, toutes les victimes de quelque crime que ce soit
subissent l'ostracisme et la blessure de cette culture violente et
tous les RDC dans toutes les RDV ont intérêt à bien décoder ce
biais social.
Mais
comme il s'agit de l'incestuat qui vit sous un tabou social bien
particulier, nous savons que tôt
ou tard le RDC entendra des récits qui dépassent le sens commun.
Peut-être
faut-il donc ajouter des éléments de compréhension à celui de la
culture de violence qui prévaut. Dans la mesure du possible.
Redisons,
tout d'abord, qu'on ne trouve pas en psychologie ou en sociologie
d'explications pour ce comportement de porteur à relais du tabou
social de l'incestuat. Nous proposons la suivante.
En
plus du maintien de la culture violente, les complices-incestueurs
maintiennent le tabou pour défendre nommément l'image idéalisée
de leur famille et de leurs parents et souvent en protection de leur
propre image de dignité de parent; comme la dénonciation sociale du
crime attaquerait le commandement HONORE TON PÈRE ET TA MÈRE, cette
dénonciation s'en prendrait aux fondements mêmes de toute autorité
dans la société.
Toutefois,
on voit bien que la proposition est insuffisante pour expliquer
l'intensité des réactions.
Nous
avons donc formulé la proposition suivante : le crime de
l'incestuat se perpétue sous l'égide d'une pulsion commune
(indicible et tabou) à tous le humains – certains passent à
l'acte, d'autres en font le deuil - et comme nous participons tous à
cette pulsion, elle nous anime pour réprimer celui qui parle du
sujet et transgresse l'interdit. Cette pulsion semble totalement
inconnue de la psychologie elle-même asservie au tabou,
croyons-nous. ( ESSAI POUR UNE COMPRÉHENSION DE L'INCESTUAT ET
ENGAGEMENT À FAIRE CESSER L'INCESTUAT- mars 2012.
Le texte est disponible sur http://incesteabusetviolence.blogspot.ca/
en date du 17 avril 2012. )
Quatrième
étape ou quatrième blessure
Elle
se produit souvent par le thérapeute chez qui la victime est allée
demander de l'aide.
On
trouve alors une victime qui ne sera pas crue dans ce qu'elle
raconte. Établissons le scénario. La victime est sous l'effet d'un
traumatisme grave et ses souvenirs ont quelque chose d'imprécis ou
d'anecdotique qui n'apparait pas d'importance comparable avec la
souffrance intérieure dont elle se plaint. Certains thérapeutes qui
mesurent cet écart appliqueront le traitement comportemental
nécessaire pour que la victime sorte de son sentiment de victime.
Résultat, la victime ne sera pas écoutée, mais devra plutôt
écouter.
D'autres
thérapeutes traiteront les victimes comme des personnes n'ayant pas
résolu leur complexe d'Oedipe. La théorie freudienne a, en effet,
déterminé que tout enfant porte un désir libidineux à l'endroit
du parent du sexe opposé et qu'il veut tuer son parent de même
sexe. C'est ce qui s'appelle le complexe d'Oedipe et le client qui
n'aurait pas résolu ce complexe est réputé continuer à projeter
ses fantasmes sexuels sur ces parents. Ici la victime n'est plus
victime mais devient en quelque sorte l'offenseur brimé.
Il
y a aussi, dans le paysage des soins psychologiques, le débat entre
ceux qui utilisent les techniques de régression et d'hypnose et ceux
qui tiennent ces processus comme des façons de créer des
fausses-mémoires. Ce débat a donné naissance à une association
américaine (F.M.S. fondée en1992) et une association française
(fondée en 2005) qui se portent à la défense des parents accusés
par leurs enfants d'offense sexuelle et qui demandent aux thérapeutes
de ne pas inciter leur clientèle à des accusations qui seraient mal
fondées. Beaucoup de thérapeutes, convenant de la justesse de la
théorie freudienne, se sont associés à ce mouvement et ont traité
les victimes comme des fraudeurs inconscients, des fabricants de
fausses-mémoires.
De
plus en plus, cependant les thérapeutes traitent leur clientèle
victime selon une approche de « stress post-traumatique ».
On considère alors que la victime dit vrai, que la victime dit peu,
qu'on doit l'aider à reconstituer sa mémoire bousillée par le choc
des événements. Rêves, fantaisies, sensations corporelles servent
de témoins pour reconstituer la mémoire. La neurologie est mise à
contribution pour expliquer les conséquences et entrevoir les modes
de thérapie. Ce qui constitue, à notre avis, une avancée certaine,
mais non un aboutissement. L'aspect social du crime et le tabou qui
y est central n'est pas encore abordé.
Il
reste que le nombre de thérapeutes aptes à traiter les victimes est
plutôt limité et souvent les victimes qu'on risque de retrouver
dans des RDV auront rencontré de ces thérapeutes qui vous enferment
dans une théorie dont on ne sort que plus emmêlé. Un RDC devrait
savoir quelque chose de l'histoire des traitements qu'offre la
société aux victimes d'incestuat. Et au-delà de ce qui est dit
ici, le CSJR pourrait trouver son intérêt à fouiller la question
au bénéfice des RDC.
Cette
remarque est faite pour indiquer que dans tous ces cas, la victime a
été à nouveau blessée par une non-écoute des gestes posés sur
elles. Une agression socio-professionnelle s'est ajoutée à
l'agression initiale.
Ici,
aussi, la quatrième blessure peut-être pire que la première, que
la deuxième, que la troisième.
Cinquième
étape ou cinquième blessure
Une
victime d'incestuat qui accepte complètement son histoire et qui
croit qu'elle peut librement la raconter, dans la vie sociale, afin
de faire diminuer le tabou qui entoure ce crime, un peu comme
d'autres victimes ou offenseurs racontent leur histoire pour
améliorer le sort des autres victimes ou de la société en général,
se place en situation plus que dangereuse pour sa survie sociale.
Comprenons-nous
bien. S'engager socialement pour que le crime de l'incestuat avec
son tabou social soit mieux compris et que sa prévalence diminue
n'est pas encore permis socialement.
Pourtant,
un ex-prisonnier repentant peut témoigner qu'il a tué, volé,
violé, vendu de la drogue illégalement et on l'invitera dans les
écoles pour qu'il raconte son histoire. Un ex-toxicomane peut
devenir une vedette médiatique. Une dévouée victime secondaire du
suicide d'un des siens a tout l'espace de parole. Une victime de
violence conjugale, de violence des motards, de viol, d'agression
sexuelle par un religieux peut se faire entendre, voilé ou pas. Tous
ils sont reconnus comme contribuant à l'amélioration de la société.
On peut vivre après le crime et trouver dans ses conséquences un
emploi d'utilité sociale. Bien.
Mais
de grâce, faites-nous grâce des victimes d'incestuat qui dénoncent
par surcroît le tabou social qui entoure ce crime. Ce sont des
agresseurs, ceux-là!
Un
RDC doit se rendre jusque-là dans sa compréhension du tabou. Et il
y a plus.
Sixième
étape ou sixième blessure
Une
victime d'incestuat qui assume complètement son histoire et qui
croit qu'elle peut librement témoigner de son expérience dans une
association de victimes et d'offenseurs, par exemple, afin de
contribuer à faire diminuer le tabou qui entoure ce crime, se place
peut-être en situation plus que dangereuse pour sa propre vie
sociale.
Un
RDC doit savoir que le tabou sévit même dans les organisations pour
les victimes et même au sein du groupe des victimes qui préfèrent
parfois payer leur tribut au tabou une fois qu'il leur semble avoir
été quelque peu acceptées et reçues.
Il
y a donc des victimes des victimes.
Une
victime de ce dernier attentat se retrouve probablement seule au
monde, sans aucune appartenance à l'humanité et donc sans espace
pour exister. Elle n'a, d'évidence, pas d'autres choix que de se
taire et de subir le tabou jusqu'à ce que mort s'ensuive.
La
grand-mère dit à Emmanuel – Marie-Claire Blais, UNE SAISON DANS
LA VIE D'EMMANUEL- « Oh!
Mon enfant, personne ne t'écoute, tu pleures vainement, tu
apprendras vite que tu es seul au monde! Toi aussi, tu auras
peur... »
Un
RDC doit savoir que de telles expériences engendrées par
l'extension et la puissance du tabou existent.
CONCLUONS
ICI...
Il
nous semble que le caractère social de l'incestuat et du tabou qui
le protège milite en faveur d'un représentant
de la communauté apprivoisé
à ces dimensions sociales du crime de l'incestuat.
Probablement
que le CSJR pourrait considérer une aide et une formation continue
particulière à l'intention de celles et ceux qui animent et
agissent au titre de RDC dans les RDV-incestuat.
On
peut penser toutefois que lorsque cette largeur de conscience existe
chez le RDC ( et les animateurs évidemment), victimes et offenseurs
en profitent. La victime, notamment, comprendra qu'elle a eu raison
d'être blessée par les gestes commis sur elle par la « première
attaque », « par la deuxième attaque », « la
troisième », « la quatrième »....etc., car ces
gestes étaient blessants. L'offenseur comprendra le contexte
délictueux favorable dans lequel il a commis le crime et la
nécessité pour lui de se joindre à celles et ceux qui veulent
lever le tabou.
Nous
sommes conscients que nous demandons au RDC de porter, ici, une forme
symbolique de coresponsabilité pour la commission du crime de
l'incestuat. Cette position n'a probablement pas sa correspondance
dans le rôle des autres RDC ou, tout au moins, pas avec la même
extension. Mais elle nous semble constituante ici de son rôle et
nous croyons qu'elle doit le teinter entièrement.
Nous
rappelons aussi que la victime de l'incestuat n'utilise pas toujours
le langage comme le font les humains moins secoués. Elles parlent
plus, elles parlent moins, elles parlent différemment et
l'articulation des idées et des mots peut être différente.
Tolérance devrait être large dans l'esprit de ceux qui les
écoutent.
Nous
imaginons que des stratégies devront être élaborées pour que
l'action sociale parvienne à faire lever le tabou de l'inceste.
Personne individuellement ne peut y arriver. L'action collective,
organisée, stratégique, inventive sera requise.
Nous
imaginons également que la criminologie, voire d'autres sciences
humaines, devront être mises à contribution pour qu'apparaissent
des connaissances mieux structurées de l'incestuat et du tabou qui
l'entoure.
Ainsi,
ensemble, pourrons-nous peut-être un jour lever le voile sur le
tabou qui entoure ce crime, ce crime dont on ne peut guérir qu'en
accueillant sa propre histoire et ce qu'elle a fabriqué de
merveilleux en nous, survivants et vivants.
22
mai 2012
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