jeudi 25 novembre 2010

PREMIÈRES NOTES DE MON CARNET: LA GROSSEUR DE L'ABUS - 25-11-2010

CE CARNET est consacré à l'inceste et à l'abus sexuel. Je veux parler ici de ces formes de contacts sexuels où l'une des actrices, l'un des acteurs est asservi à l'autre contre son gré, sans capacité d'exercer sa liberté. Ma conjointe qui ne mâche pas ses mots à cet égard parle d' ''esclavage sexuel''. Alors, ce sera mon sujet central et tous ceux nombreux qui y sont associés. L'esclavage sexuel, ses conséquences et ses ramifications, si tu le veux bien.

Toi, tu seras une lectrice, un lecteur d'occasion... ou plus fidèle. Je te préfère fidèle, mais, tu seras comme tu l'entends. Et tu me feras des commentaires: flatteurs, réprobateurs, provocants. Comme tu l'entends aussi! Dans un large espace qui t'est réservé. On prend soin de toi, ici. Cela m'alimentera, me fera réfléchir, me sortira de mes gonds, m'apaisera. On verra! Certes, à mon âge, je peux penser un petit peu tout seul, mais je pense beaucoup mieux dans l'interaction. J'ai besoin de toi. Du choc jaillit la lumière m'a dit mon prof de philo et, de la friction, la chaleur, ajoutait mon prof de physique. Et j'aime et lumière et chaleur. Alors j'espère que tu seras bonne joueuse, bon joueur et que nous avancerons ensemble.

Tout cela sera fait avec respect. Oui un profond respect car c'est un sujet qui touche au sacrilège et au sacré qu'il faut recréer. À l'âme, à l'esprit, au corps offensé, blessé et difficile à cicatriser. À l'identité fragilisée pour toute la vie peut-être. De toutes façons cela ne s'efface jamais. Pas de chirurgie pour les personnes atteintes. Non, qu'un long chemin plus ou moins long pour apprendre à travers la souffrance revisitée à devenir une vraie humaine, un vrai humain porteur de densité, de profondeur comme la vie n'en fait pas autrement. Jusqu'à remercier la Vie - en finale - tout en souhaitant que l'humanité se débarrasse de cette engeance d'abus sexuel.

Alors, pour aujourd'hui, j'aborde la grosseur des abus, leur forme plus ou moins atroce lorsqu'ils sont dévoilés, réimaginés. Je me demande: et alors?

D'abord, laisse-moi te dire, à toi qui, comme moi, ne fut victime que par relativement peu de gestes abusifs si on les compare à ceux qu'on subi des enfants enfermés et asservis sexuellement pendant des années et des années par des pratiques dégueulasses et dégradantes que tu es autant de la gang des abusés que tout autre. Reçois autant de considération, je te prie, car tu sais intimement que ton intimité fut atteinte comme nous le savons tous dans chacune de nos mésaventures; tu es de ma famille recomposée, tu es ma soeur, tu es mon frère de souffrance. Et il n'y en a pas qui soient moins ou plus de ma famille parce qu'ils auraient été moins abusés ou davantage. Non. La dignité de notre humanité est égale et l'abus qui l'a atteinte est tout autant irrecevable pour chacune et chacun d'entre nous.

J'écris cela car trop souvent dans les conversations entre nous, celle ou celui qui veut être entendu désespérément a souvent la tendance de raconter le pire qu'il a vécu pour recevoir toute l'attention de l'entourage. Et le suivant surenchérit avec pire encore et ainsi de suite de pis en pis...comme si on quêtait l'or, l'argent ou le bronze de l'auditoire. Et pourtant, chaque expérience est unique et incomparable. Elle mérite d'être entendue en soi, sans jugement sur sa grosseur, pour le seul bien que son écoute redonne de la dignité à la personne blessée.

Les comparaisons de la grosseur, de la profondeur, de l'épaisseur, de la largeur des blessures, il faut laisser cela aux spécialistes et thérapeutes de tout acabit qui ont peut-être besoin de faire des catégories pour mieux ajuster leur arsenal d'intervention. Bien leur en fasse si cela leur est utile. 

Mais, entre nous, il y a tout intérêt à ne pas comparer. La comparaison risque trop de remettre l'une ou l'un d'entre nous dans la position de marchandise mesurable, pondérable, évaluable, de chose utilisable sans avis du propriétaire. Un objet pour la satisfaction d'autrui. Non. À cela nous devons dire non! Nous avons assez donné.

Je conclus: si la démocratie a proposé une personne, un vote parce que la dignité humaine est égale, je propose que nous soyons associés par l'égalité de notre sort, celui d'avoir été abusés, afin que nous nous redonnions toute la dignité incomparable dont chacune et chacun est porteur.


Jean