À l'age de 12 ans, Raymond Gravel
reçoit une tentative de tripotage d'un religieux éducateur dont il
retire la main de ses culottes. En réponse, ce dernier feint alors
de l'étouffer avec le cordon qui retient sa soutane. Raymond Gravel
affirme aujourd'hui : « je n'ai pas été traumatisé pour
autant ».
Il y a des questions simples qui
surgissent à l'esprit de celles et ceux qui ont quelque expérience
valable dans ce domaine de l'inceste et de l'abus sexuel sur les
enfants. Des questions simples, oui!
Pourquoi Raymond Gravel a-t-il
refusé le tripotage qui lui est alors proposé? Si sa réponse est
qu'il ne trouvait pas cela acceptable psychologiquement ou moralement
pourquoi alors ne s'en est-il pas plaint à l'autorité de son
collège religieux ou à ses propres parents?
La conséquence de cet abandon de
responsabilités de la part de Raymond Gravel au profit des abuseurs
religieux de son époque est aujourd'hui manifeste. Celui qui nous
avait habitué à de la compassion, inspiré sans doute par les
Béatitudes et prêchant pour la défense des petits, des sans-voix,
des opprimés par les préjugés sociaux - les homosexuels par
exemple-, voilà qu'il défend le pouvoir établi, son église et
cette « majorité de religieux qui ne sont pas concernés par
la pédophilie, qui n'ont jamais été en autorité et qui se voient
obligés de payer pour l'écart de conduite de certains des leurs ».
Pour ma part, les seules personnes que je connais qui ne sont pas
concernées par la pédophilie sont celles qui, comme Raymond Gravel,
ont été incapables de la dénoncer alors qu'elle se présentait
sous leur nez ou dans leur culotte ou encore qui ne savent pas la
reconnaître dans leurs pulsions.
L'incohérence de Raymond Gravel est
évidente dans plus d'un aspect de sa diatribe que publie le Devoir
du 3 novembre 2011. À titre d'exemples : il prétend ne pas
banaliser l'histoire des victimes, mais il banalise la sienne; il
prétend que les bons religieux non-concernés n'ont pas à payer
pour l'écart des autres, mais il veut que toute la société paye
pour toutes les vraies victimes; il prétend qu'il est inacceptable
et abusif de juger du passé avec le regard qu'on porte aujourd'hui,
même s'il est épouvantable, à son jugement, que des religieux ou
des laïcs aient commis des agressions sexuelles sur des jeunes qui
leur étaient confiés. Bref, le jugement de l'homme est joliment
perturbé et son sens de l'évangile profondément atteint. Cela
arrive fréquemment lorsque l'on se retrouve dans une situation
paradoxale. Le mental se débat alors comme un diable dans l'eau
bénite. C'est le cas de ce prêtre en lutte avec ses démons.
Ce que Raymond Gravel ne comprend pas,
c'est la nature même de l'abus sexuel sur un enfant. En effet,
l'abus sexuel d'un enfant n'est pas qu'un geste criminel de la part
d'un individu sur un autre, contrairement à la majorité des délits
criminels. Comprenez ceci. Il s'agit plutôt d'un geste de toute une
société sur un seul individu; car l'agresseur ici porte le pouvoir
de toute la société devant l'enfant qui est totalement vulnérable.
J'en tiens pour preuve de mon affirmation qu'il prend parfois 10, 20,
30, 50 ans à une « vraie » victime pour enfin parler des
faits et des conséquences incommensurables sur elle. Elle aura du
traverser l'ignoble déni social, compact et complice, qui entoure la
commission de tels actes. Et le plus souvent lorsqu'elle parle,
encore et encore aujourd'hui, le déni social sur sa situation se
poursuivra. Il y en a plein et plein de ces rabroueurs et
bien-pensants qui veulent empêcher les victimes de parler; leurs
ancêtres n'étaient autres que les protecteurs des abuseurs d'hier!
La morale enseignée dans les cours de
théologie de l'époque de Raymond Gravel ne faisait pas état de la
nature sociale particulière de ce crime d'abus sexuel sur les
enfants. La spiritualité de Jésus de Nazareth aurait pu pourtant
mettre la puce à l'oreille de ces savants :
« ce que vous faites au plus petit d'entre les miens, c'est à
moi que vous le faites »; et ce moi évoqué ici n'est rien
d'autres que le plus sacré et la plus intime de chacune et de chacun
d'entre nous.
M'est avis que seuls ceux qui
reconnaissent en eux les pulsions pédophiles peuvent en faire le
deuil du passage à l'acte. Les autres sont pédophiles ou doivent
être considérés comme des complices aux pédophiles par le déni
même qui les habite.
Un jour viendra...
1 commentaire:
Ouf! Quel débat! Déjà, si les religieux fautifs reconnaissaient leur culpabilité et les ordres qui les ont protégés se repentaient... Effectivement, il n'y a qu'une personne ayant vécu cette épreuve qui peut comprendre tous les impacts de cette négation... espérons qu'on arrête un jour de se lancer la balle et que des actions concrètes de réparation soient faites...
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